Retour sur le 3ème séminaire consacré aux « Nouvelle(s) frontière(s) », organisé le 10 mai 2021
Le troisième séminaire thématique consacré aux « Nouvelle(s) frontière(s) », organisé par la Délégation générale au développement de l’axe Nord, s’est tenu le 10 mai 2021, en partenariat avec Sciences Po Lille et l’École supérieure de journalisme de Lille.
Ce temps d'échanges a été l’occasion d’évoquer plus précisément la thématique : « Stratégies territoriales et coopérations transfrontalières : quelle(s) (ré)organisation(s) pour les Hauts-de-France ? »
Les différents intervenants (représentants de l’État, spécialistes, chercheurs, élus…) ont échangé sur ce sujet au cours des deux tables-rondes.
Trois points principaux ont été mis en avant au cours du séminaire :
Les réseaux de transport de fret dans les Hauts-de-France ont une dimension européenne incontournable
Les intervenants de la première table-ronde s’accordent sur la nécessité de penser en réseau les grands projets de transport dans la région Hauts-de-France. Antoine Beyer, professeur des universités en géographie à Cergy Paris Université, estime ainsi que les réseaux de transport fret sont relativement peu évoqués du point de vue de leurs implications transfrontalières et européennes. L’Union européenne propose des stratégies unifiées à l’échelle communautaire, mais les États et les collectivités disposent de toute la liberté dans la mise en œuvre nationale et locale de ces projets.
Le cas du Canal Seine-Nord Europe (CSNE) est longuement évoqué durant ce premier échange. Pour Alain Lefebvre, directeur général de Ports de Lille et conseiller du CESER Hauts-de-France, le CSNE sera avant tout ce que l’on décidera d’en faire. La vision prospective et stratégique de ce grand projet d’aménagement du territoire doit être assez ambitieuse pour prendre en compte les défis et opportunités sur le très long terme, au-delà même du seul horizon 2030. Le CSNE doit donc également être adapté aux flux de 2040, voire 2050, en s’insérant dans les grandes dynamiques de transport de marchandises entre littoral et hinterland.
Nicolas Bour, président d’ATIL Europe, abonde : le Canal n’est qu’un maillon territorial dans un réseau Seine-Escaut beaucoup plus large. Il est donc nécessaire de préserver la dynamique de dialogue et de coopération avec les voisins belges, entamée au début des années 2000. Plutôt qu’un ensemble d’infrastructures ponctuelles, Seine-Escaut doit donc être pensé comme un système de transport.
Pour Xavier-Yves Valère, délégué général au développement de l’axe Nord, l’État occupe une place essentielle, mais non-exclusive, dans ces grands projets d’aménagement du territoire. Il impulse des dynamiques de coopération et de coordination entre acteurs publics et privés, à l’image des activités de la Délégation axe Nord depuis 2019. Pour le CSNE, comme pour la coordination interportuaire et l’autoroute ferroviaire Est-Ouest, il faut penser l’aménagement concomitamment à plusieurs échelles : locale, régionale et européenne. Les réseaux transnationaux massifiés, par le fer et la voie fluviale, sont le modèle de supply-chain de demain dans les Hauts-de-France.
Le Brexit représente de nouvelles opportunités en termes de coopération transfrontalière
François Moullé, maître de conférences en géographie à l’université d’Artois, souligne l’importance fonctionnelle des projets de coopération transfrontalière : sans objectifs et sans réalisations, ils auraient peu d’intérêt pour les acteurs locaux. De plus, le cœur de cette coopération repose sur les femmes et les hommes qui la font vivre au quotidien et qui y croient sincèrement. La dimension humaine et interpersonnelle occupe donc une place centrale dans ces dynamiques ; le projet de Comité du Détroit n’y fait pas exception.
Mireille Hingrez-Cereda, vice-présidente du Conseil départemental du Pas-de-Calais, et Bruno Ficheux, vice-président du Conseil départemental du Nord, portent cette initiative de Comité du Détroit dans leur département respectif. D’après eux, cette dernière capitalise avant tout sur les liens anciens de coopération entre la Grande-Bretagne, particulièrement le Comté de Kent, et la Côte d’Opale. Malgré le Brexit, le Comité tente de faire vivre ce dialogue coopératif franco-britannique, avec le concours de provinces belges et néerlandaises, en capitalisant sur des thèmes d’intérêt commun tels que la protection de l’environnement, la jeunesse et le développement économique. D’après Mme Hingrez-Cereda, le Brexit aurait même été un accélérateur de la coopération Transmanche vers cet outil multilatéral souple et horizontal.
Vincent Richez, directeur général adjoint de la Région Hauts-de-France en charge de l’Europe et de l’international, insiste sur la centralité des programmes INTERREG pour la coopération transfrontalière, particulièrement dans le contexte du Brexit. Avec la fin du financement britannique des initiatives INTERREG de la Manche, la Région ambitionne d’intégrer de nouveaux programmes et de se rapprocher davantage des dynamiques de coopération INTERREG en Europe nordique et autour de la mer du Nord.
Pour Luc Briard, conseiller diplomatique de Michel Lalande, préfet de la région Hauts-de-France, l’État doit avant tout se saisir pleinement de la complémentarité des échelles de coopération transfrontalière, des initiatives locales (les Groupements européens de coopération transfrontalière) aux initiatives de plus grande ampleur, INTERREG notamment. D’après lui, les grands projets régionaux d’aménagement du territoire sont des outils essentiels favorisant le développement de coopérations solides et durables, et permettant de faire face aux enjeux collectifs d’aujourd’hui et demain.
La mise en réseau des frontières par la coopération territoriale et les projets d’aménagement
Aucune coopération n’est possible sans un ancrage territorial fort. En ce sens, l’État déconcentré et les collectivités territoriales occupent donc un rôle de premier plan dans ce domaine. Les projets et les grands travaux favorisent ce dialogue entre territoires et s’inscrivent dans des réalités territoriales spécifiques, capitalisant sur des opportunités offertes au niveau local. Ainsi, si le CSNE est une réalisation régionale, il est en lien étroit avec des réseaux fluviaux irrigant d’autres régions françaises, à commencer par l’Île-de-France, la Normandie et le Grand Est, dans une moindre mesure.
Au-delà d’une vision franco-française et interrégionale de l’aménagement du territoire, ce dernier repose également sur une compréhension transfrontalière et coopérative des enjeux communs, particulièrement en termes de transports, de développement économique et de protection de l’environnement. Le Comité du Détroit et le CSNE sont des fondements empiriques sur lesquels les acteurs locaux peuvent construire des dynamiques de coopération sur le long terme.
L’axe Nord adopte une vision unifiée et intégrée d’un vaste bassin de vie comprenant près de 80 millions d’habitants. Une gouvernance commune de ce large territoire suppose à la fois une coopération entre acteurs publics et privés, à l’image des travaux entrepris par la fédération Norlink et la Délégation axe Nord, mais également une vision stratégique dans laquelle l’État a un rôle à jouer. Charge à chacun de préserver, valoriser et enrichir l’acquis transfrontalier, particulièrement dans les Hauts-de-France.
Vous pouvez retrouver la vidéo de l’événement sur la page Facebook des services de l’État en région.
Retrouvez-nous le 28 juin prochain, de 14h à 16h, pour le quatrième et dernier séminaire « Nouvelle(s) frontière(s) », qui portera cette fois sur la « Manche/mer du Nord : “coopétition” autour d’un espace maritime et portuaire à partager » !